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Un souffle de terreur passa sur la foule. Giovanni pâlit : il crut que la terre remuait, que les voûtes de la cathédrale s’écroulaient et allaient l’ensevelir. À côté de lui, le gros chaudronnier trembla comme une feuille ; ses dents claquaient. Le menuisier se rétrécit, enfonça la tête dans les épaules, assommé, rida son visage et ferma les yeux.

Ce n’était plus un sermon, mais une hallucination qui s’emparait de ces milliers de gens et les entraînait, comme l’ouragan emporte les feuilles mortes.

Giovanni écoutait, comprenant à peine. Des bribes de phrases parvenaient jusqu’à lui :

« Regardez, regardez, le ciel s’assombrit déjà. Le soleil est pourpre comme du sang séché. Fuyez ! car voici la pluie de feu et de lave, et la grêle de pierres rougies à blanc ! Fuge, o Sion, quæ habitas apud filiam Babylonis !

« Ô Italie, les tourments suivront les tourments ! Le tourment de la guerre après la famine ; la peste après la guerre. Des tourments en tout et partout !

« Vous n’aurez pas assez de vivants pour enterrer les morts. Il y en aura tant dans vos maisons, que les fossoyeurs parcourront les rues en criant : “Qui a des morts ?” et les empilant dans les charrettes, les amassant en tas, les brûleront. Et de nouveau ils iront, criant : “Qui a des morts ?” Et vous irez à leur rencontre en disant : “Voici mon fils, voici mon frère, voici mon mari.” Et ils iront plus loin, toujours criant : “Qui a des morts ?”

« Ô Florence ! ô Rome ! ô Italie ! Le temps des chansons