Durant cette causerie, le secrétaire de la République florentine prenant tantôt l’un, tantôt l’autre à part, adroitement cherchait à prendre vent de la politique de César. S’approchant de Léonard, un doigt sur les lèvres, la tête inclinée, il lui dit plusieurs fois avec un air préoccupé :
— Je mangerai l’artichaut… Je mangerai l’artichaut.
— Quel artichaut ? demanda l’artiste étonné.
— Là gît le lièvre – quel artichaut ? Dernièrement le duc a posé ce rébus à l’ambassadeur de Ferrare, Pandolfo Colenuccio : « Je mangerai l’artichaut feuille par feuille. » Peut-être cela veut-il dire que, divisant ses ennemis, il les détruira un à un. Peut-être cela veut-il dire tout à fait autre chose. Depuis une heure je torture mon cerveau !…
Et il ajouta à l’oreille de Léonard :
— Ici tout n’est que rébus et attrapes ! On parle d’un tas de frivolités et, dès qu’on touche à une question sérieuse, ils deviennent muets comme des carpes sous l’eau ou des moines à table. Je flaire qu’ils préparent quelque chose, mais quoi ? Croyez-moi, messer, je donnerais mon âme au diable pour le savoir !
Les yeux de Nicolas s’allumèrent comme ceux d’un joueur.
Le secrétaire Agapito glissa la tête par l’entrebâillement de la porte et fit signe à Léonard.
Suivant un long couloir sombre où se tenaient les gardes du corps, les stradiotes albanais, Léonard pénétra dans la chambre du duc, pièce confortable