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— Ah ! tout cela présage des malheurs ! Seigneur, aie pitié de nous…

Du côté des femmes se produisit une panique : une petite vieille, trop serrée par ses voisines, venait de s’évanouir. On essayait de la relever, de lui faire reprendre les sens.

— Quand donc ? Je n’en puis plus ! pleurait presque le chétif menuisier en épongeant son front.

Et toute la foule se consumait en l’interminable attente. Subitement les voix bruirent, grandirent, emplissant la cathédrale.

— Le voilà ! le voilà ! – Non, c’est fra Domenico da Peschia. – Oui, c’est lui ! – Le voilà !

Giovanni vit gravir lentement l’escalier de la chaire un homme vêtu de l’habit noir et blanc des Dominicains, le visage maigre et jaune comme de la cire, les lèvres épaisses, le nez crochu, le front bas.

Il rejeta son capuchon, s’appuya d’un geste exténué de la main gauche sur la balustrade et tendit la droite crispée sur le crucifix. Puis, silencieux, il promena un regard de feu sur la foule. Un tel silence régna, que chacun put entendre les battements de son propre cœur.

Les yeux du moine s’allumaient comme de la braise. Il se taisait et l’attente devenait insupportable. Il semblait qu’une minute de plus suffirait pour faire pousser au public un cri d’horreur. Le calme devenait effrayant. Et alors, dans ce silence sépulcral, retentit l’assourdissant et inhumain cri de Savonarole :

Ecce ego adduco aquas super terram ! Voici que j’amène les eaux sur la terre !