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cents ducats par jour. Quand César passait par les rues des villes, le peuple courait derrière lui, car il savait que le duc ferrait ses chevaux avec des fers spéciaux en argent qui tombaient facilement, et qu’il perdait sur la route en guise de cadeau à son peuple.

On racontait aussi des merveilles sur sa force physique. N’avait-il pas une fois, à Rome, pendant une course de taureaux et lorsqu’il n’était que cardinal de Valence, fendu la tête du taureau d’un seul coup de sabre ? Le « mal français » contracté par lui depuis quelques années n’avait pas eu raison de sa santé. De sa main fine comme une main de femme, il pliait des fers à cheval, tordait des câbles, brisait des cordages. Celui que ne parvenaient pas à approcher les seigneurs et les ambassadeurs, se rendait près de Cesena pour assister aux combats des bergers à demi sauvages de la Romagne et parfois pour y prendre part.

En même temps il était un parfait cavalier, mondain, roi de la mode. Le jour du mariage de sa sœur, madonna Lucrezia, il quitta le siège d’une place forte, directement de son camp, en pleine nuit, à cheval, et se rendit au palais du marié, Alphonse d’Este, duc de Ferrare. Reconnu de personne, vêtu de velours noir, masqué de noir, il traversa la foule des invités, salua, et lorsqu’on lui eut laissé place libre, seul au son de l’orchestre il dansa, fit plusieurs fois le tour de la salle, si élégant que de suite un murmure courut :

Cesare, Cesare ! L’unico Cesare !

Sans prêter attention aux invités, ni au mari, il entraîna sa sœur à l’écart et lui chuchota quelques mots