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monde. Pour terminer la discussion, voici mon dernier mot : en observant les actes de César, je les trouve parfaits, et je pense qu’à ceux qui acquièrent le pouvoir par les armes et la chance on ne peut donner meilleur exemple. Il a si bien réuni la cruauté et la vertu, il sait si bien caresser et détruire les gens, les assises de son pouvoir ont été si solidement établies en un temps très court, qu’il est dès maintenant un souverain autocrate, peut-être le seul en Italie… en Europe… et dans l’avenir…

Sa voix tremblait. Des grandes taches rouges couvrirent ses joues creuses ; ses yeux brillaient fiévreux. Il ressemblait à un halluciné. Le masque du cynique laissait entrevoir l’ancien disciple de Savonarole.

Mais dès que Luccio, fatigué de cette conversation, eut proposé de conclure la paix en vidant deux ou trois bouteilles dans la taverne voisine, le visionnaire s’évapora.

— Allons plutôt dans un autre endroit, proposa Nicolo. J’ai pour cela un flair de chien ! Il doit y avoir ici de jolies jeunesses…

— Croyez-vous ? fit Luccio avec un certain doute. Dans cette sale petite ville !

— Écoutez, jeune homme, dit en l’arrêtant dignement le secrétaire de la République florentine. Ne dédaignez jamais les petites villes. Dans ces sales petites banlieues à ruelles sombres, on trouve parfois de si bonnes choses qu’on s’en pourlèche les doigts.

Luccio, sans façon, secoua Machiavel et l’appela polisson.