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— N’oubliez pas, messer, répondit Nicolas, que je n’ai eu en vue jusqu’à présent que les royaumes conquis, et bien plus l’acquisition du pouvoir que sa conservation. Certes les empereurs Antonin et Marc Aurèle pouvaient être charitables sans nuire à leur empire ; avant leur règne, il avait été commis suffisamment de meurtres. Rappelez-vous seulement qu’à la fondation de Rome l’un des deux frères nourrissons de la louve assassina l’autre – action épouvantable – mais d’autre part qui sait si, sans ce meurtre nécessaire à l’unification du pouvoir, Rome aurait existé, n’aurait pas été abolie par les discordes du double pouvoirs ? Et qui osera décider laquelle des deux balances l’emportera sur l’autre en plaçant dans l’une le fratricide et dans l’autre les vertus et la sagesse de la Ville éternelle ? Certes, il vaudrait mieux préférer le sort le plus obscur à la grandeur des rois fondée sur de tels crimes. Mais celui qui a abandonné le chemin du bien doit, sans esprit de retour, s’il ne veut pas périr, suivre le sentier fatal. Ordinairement, les gens, choisissant la voie moyenne, n’osent être ni bons ni mauvais jusqu’au bout. Quand la scélératesse exige de la grandeur, ils reculent, et avec une facilité naturelle n’exécutent que des lâchetés ordinaires.

— À vous entendre, messer Nicolo, les cheveux se dressent sur la tête ! s’écria Luccio.

Et comme l’habitude mondaine lui suggérait de rompre sur une plaisanterie, il ajouta, essayant de sourire :

— Cependant, je ne puis me figurer que ce soit là