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ils devraient agir il y a une telle différence que l’oublier, c’est décréter sa perte, car, de par leur nature, les hommes sont méchants et dépravés, et seuls la peur ou l’intérêt les forcent à la vertu. Voilà pourquoi je dis qu’un souverain, pour éviter sa perte, doit avant tout apprendre à paraître vertueux, mais l’être ou ne pas l’être selon les besoins, sans craindre les remords de conscience pour les vices secrets sans lesquels il est impossible de conserver le pouvoir, car en étudiant la nature du mal et du bien on arrive à cette conclusion que beaucoup de choses qui semblent des vertus ruinent le pouvoir, tandis que d’autres qui semblent des vices le grandissent.

— Messer Nicolo ! dit Luccio indigné. À réfléchir ainsi tout est permis ; toutes les cruautés, toutes les infamies sont excusables…

— Oui, tout est permis, répartit encore plus froidement Nicolas en levant la main comme pour un serment. Tout est permis à celui qui veut et peut régner ! Et voilà pourquoi, tout en revenant au début de notre conversation, je conclus que le duc de Valentino, après avoir unifié la Romagne grâce à don Ramiro, est non seulement plus raisonnable, mais aussi plus charitable dans sa cruauté que, par exemple, les Florentins qui autorisent de continuelles révoltes, car mieux vaut la violence supprimant quelques-uns, que la clémence qui perd des nations.

— Permettez cependant, répliqua Luccio effaré. N’a-t-il pas existé de grands rois exempts de cruauté ? L’empereur Antonin, Marc Aurèle…