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— Mon oncle, répliqua Luccio, fera certainement pour vous, messer, tout ce qui sera en son pouvoir, mais malheureusement le Conseil des Dix considère vos rapports si indispensables pour le bien de la République que personne ne voudra entendre parler de votre démission. Vous êtes irremplaçable. L’unique, l’homme d’or, l’oreille et l’œil de notre République. Je puis vous assurer, messer Nicolo, vos lettres ont un succès tel à Florence que vous n’en auriez jamais souhaité un pareil. Tout le monde admire l’élégance et la légèreté de votre style. Mon oncle me disait que dernièrement, dans la salle du Conseil, lorsqu’on a lu un de vos humoristiques envois, les seigneurs se roulaient de rire…

— Ah ! s’écria Machiavel, le visage convulsé. Je comprends maintenant. Mes lettres plaisent à ces Seigneuries. Dieu merci ! Messer Nicolo est utile à quelque chose ! Ils se roulent de rire là-bas, ils apprécient l’élégance de mon style ; et moi, ici, je vis comme un chien, je gèle, je jeûne, je tremble de fièvre, j’endure les affronts, je me débats comme un poisson contre la glace, tout cela pour le bien de la République. Eh ! que le diable l’emporte, la République… et son gonfalonier, cette vieille femme pleurarde. Que vous n’ayez ni linceul ni cercueil…

Il éclata en jurons populaires. Une indignation impuissante l’étouffait à l’idée de ces gouvernants qu’il méprisait et qu’il servait. Désirant changer de conversation. Luccio remit à Nicolas une lettre de sa jeune femme, monna Marietta.