la servante de madonna Lena, venue pour demander à l’intendante la pommade pour la guenon et le Décaméron de Boccace, que Sa Seigneurie courtisane lisait avant de s’endormir et cachait sous son oreiller avec son missel.
La vieille partie, Nicolas prit un papier, tailla une plume et commença son rapport à la Seigneurie de Florence, sur les projets et actions du duc de Valentino – rapport plein de profonde sagesse politique en dépit du ton badin.
— Messer, dit-il tout à coup, en regardant Léonard, avouez que vous avez été surpris de me voir passer si légèrement de notre conversation concernant des sujets sérieux à un bavardage louche avec cette vieille ? Mais ne me jugez pas trop sévèrement, et souvenez-vous que l’exemple de cette diversion nous est donné par la nature dans ses éternelles oppositions et transformations. Et le principal est de suivre sans crainte la nature en tout. Et pourquoi dissimuler ? Nous sommes tous des hommes. Vous connaissez cette fable sur Aristote, qui, en présence de son élève Alexandre le Grand, se rendant au désir d’une femme galante dont il était amoureux fou, se mit à quatre pattes, la prit sur son dos ; et l’impudique, nue, fit galoper le sage comme une mule. Certes, ce n’est qu’une fable, mais de sens profond. Car si Aristote a pu se décider à une stupidité pareille pour une fille de joie, comment pouvons-nous, pauvres, résister ?
Il était tard. Tout le monde dormait. Un grand calme régnait.