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je sais combien peu de gens intelligents il y a de par le monde. Et pour couronner notre entretien, permettez-moi de vous lire un merveilleux passage de Tite-Live et écoutez mon explication.

Il prit un livre sur la table, approcha la chandelle fumeuse, mit des lunettes de fer aux branches cassées emmaillotées de fil, donna à son visage une expression sévère, pieuse comme durant une prière ou un office religieux.

Mais à peine avait-il dressé les sourcils et levé l’index, s’apprêtant à chercher le chapitre qui traitait de la grandeur et de la décadence des empires, et prononcé d’une voix métallique les premières paroles solennelles de Tite-Live, que la porte s’entrouvrit, livrant passage à une petite vieille ridée et voûtée.

— Messeigneurs, mâchonna-t-elle en un profond salut, excusez le dérangement. Ma maîtresse, sérénissime madonna Lena Griffa, a perdu un petit animal auquel elle tient beaucoup, un petit lapin avec un ruban bleu autour du cou. Nous cherchons, nous avons fouillé toute la maison, sans pouvoir même nous figurer où il a pu se sauver…

— Il n’y a pas de lapin ici, interrompit coléreusement messer Nicolo : allez-vous-en !

Il se leva pour éconduire la vieille, mais l’ayant regardée attentivement, il leva les bras et s’écria :

— Monna Aldrigia ! Est-ce bien toi, vieille procureuse ? Moi qui pensais que depuis longtemps déjà les diables retournaient avec leurs fourches ta charogne…

La vieille cligna des yeux et répondit à ses injures