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tels qu’ils devraient être, mais qui n’existent pas et ne peuvent réellement exister. Moi, je ne veux pas de ce qui doit être ni ce qui pourrait être, mais seulement ce qui est. Je veux étudier la nature des grands corps appelés monarchies et républiques, sans amour et sans haine, sans flatteries et sans blâme, comme un mathématicien étudie ses chiffres, un anatomiste la structure du corps. Je sais que c’est difficile et dangereux, car dans la politique plus qu’en toute autre chose, les gens craignent la vérité et s’en vengent, mais je la dirai quand même, devraient-ils ensuite me brûler sur le bûcher, comme Savonarole !

Avec un involontaire sourire, Léonard suivait l’expression prophétique et en même temps étourdie, pareille à celle d’un écolier impertinent, qui se voyait sur le visage de Machiavel, dans ses yeux brillants d’un feu étrange, presque dément :

— Messer Nicolo, murmura l’artiste, si vous exécutez votre dessein, vos découvertes auront une aussi grande importance que la géométrie d’Euclide ou les principes d’Archimède.

Léonard, en effet, était étonné de la nouveauté des idées de messer Nicolo. Il se souvint comme, treize ans auparavant, ayant achevé un livre avec des dessins qui représentaient les organes internes du corps humain, il avait écrit en marge :

« Avril 2, 1489.

« Que le Seigneur Tout-Puissant m’aide à étudier la nature des hommes, leurs mœurs et leurs coutumes, comme j’étudie la structure interne de leurs corps. »