je n’en descendrai que lorsque vous m’ordonnerez de me taire. Je préfère au morceau de pain une conversation sur la politique avec un homme intelligent ! Le malheur est qu’on n’en trouve guère ou fort peu. Nos superbes seigneurs ne veulent parler que des hausses ou des baisses sur la laine et la soie, et moi je suis né, d’après la volonté du destin, incapable de discuter sur les pertes et les bénéfices, sur la laine et la soie, et je dois choisir : ou me taire ou parler des affaires d’État.
L’artiste le rassura, et pour reprendre l’entretien qui lui semblait devoir être intéressant, demanda :
— Vous venez de dire, messer, que la politique devait être une science exacte, comme les sciences naturelles basées sur la mathématique, et qui puiserait ses certitudes dans l’expérience et l’observation de la nature. Vous ai-je bien compris ?
— Parfaitement ! répondit Machiavel, en fronçant les sourcils, clignant des yeux, regardant par-dessus la tête de Léonard, tout aux aguets et pareil à un oiseau.
— Peut-être ne saurai-je pas faire cela, continua le politicien, mais je voudrais dire aux gens ce que personne n’a encore dit des humanités. Platon dans sa République, Aristote dans sa Politique, saint Augustin dans La Cité de Dieu, tous ceux qui ont parlé de la souveraineté n’ont pas vu le principal – les lois naturelles, dirigeant l’existence de chaque peuple et se trouvant en dehors de la volonté humaine, du bien et du mal. Tout le monde a parlé de ce qui paraissait bon et mauvais, noble ou bas, imaginant des gouvernements