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Ils passèrent dans la chambre de Léonard, où l’artiste offrit la meilleure place à son colocataire.

Plus il l’observait et plus cet homme lui paraissait attirant et curieux.

Celui-ci lui déclina ses noms et ses fonctions : Nicolas Machiavel, secrétaire du Conseil des Dix de la République florentine. Trois mois auparavant, la rusée et prudente Seigneurie avait dépêché Machiavel pour traiter avec César Borgia, qu’elle espérait tromper en répondant à toutes ses propositions d’alliance défensive contre les ennemis communs Oliverotto, Orsini et Vitelli, par de platoniques assurances de dévouement à double sens. En réalité, la république craignait le duc et ne désirait ni l’avoir pour ami, ni pour ennemi. À messer Nicolo Machiavelli, dépourvu de lettres de créance, avait été confiée la mission d’obtenir pour les marchands florentins un sauf-conduit qui les autorisait à traverser les possessions du duc sur les côtes de l’Adriatique, affaire très importante pour le commerce, « cette nourrice de la république », comme s’exprimait la charte de la Seigneurie. Léonard se nomma également et expliqua sa situation à la cour de Valentino. Ils causèrent avec la désinvolture et la confiance spéciales aux gens opposés, solitaires et observateurs.

— Messer, avoua de suite sincèrement Nicolas, je sais que vous êtes un grand maître. Mais je dois vous avouer que je ne comprends rien à la peinture et même que je ne l’aime pas, quoique cet art pourrait me répondre ce que Dante a dit à un railleur qui,