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et aux échecs. Léonard s’assit auprès de la cheminée en attendant le souper commandé.

À la table voisine, l’artiste reconnut le vieux capitaine des lanciers ducaux Baltazare Scipione, le trésorier général Alessandro Spanoccia, et l’ambassadeur de Ferrare, Pandolfo Colenuccio. Un homme qui lui était inconnu faisait de grands gestes, et avec une extraordinaire conviction criait d’une voix flûtée :

— Je puis, signori, le prouver par des exemples de l’histoire contemporaine et ancienne, avec une précision mathématique. Tous les grands conquérants composaient leur armée d’hommes de leur propre nation : Ninus, d’Assyriens ; Cyrus, de Perses ; Alexandre, de Macédoniens. Il est vrai que Pyrrhus et Annibal se servaient de mercenaires ; mais là, ces grands artistes militaires avaient su inspirer à leurs soldats le courage et les qualités patriotiques. De plus, n’oubliez pas le principal, la pierre de touche de la science militaire : dans l’infanterie, et seulement dans l’infanterie, réside la force d’une armée, et non dans la cavalerie, dans les armes à feu et la poudre, cette invention stupide des temps nouveaux.

— Vous vous abusez, messer Nicolo, répondit, avec un sourire, le capitaine des lanciers. Les armes à feu prennent chaque jour plus d’importance. Vous pouvez dire tout ce que vous voudrez des Romains, des Grecs, des Spartiates ; mais j’ose penser que les armées actuelles sont mieux équipées que les anciennes. Sans froisser Votre Excellence, un escadron de nos chevaliers français ou une division d’artillerie avec trente bombardes