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couvertes de neige étaient infranchissables. Les mules butaient à chaque pas. Le crépuscule tomba. Léonard et son guide allèrent à l’aventure, se fiant à l’instinct des bêtes. Au loin, une lumière brilla. Le guide reconnut une grande auberge de Novilara, à moitié chemin entre Pesaro et Fano.

Longtemps, ils durent frapper à l’énorme portail pareil à une porte de château fort. Enfin parut un palefrenier endormi qui tenait une lanterne, puis le patron lui-même. Il refusa de les recevoir, déclarant que non seulement toutes les chambres, mais les écuries même étaient occupées, et que chaque lit servait à deux et trois personnes, tous gens de haut parage, officiers et gentilshommes de la cour du duc.

Lorsque Léonard se nomma et montra le sauf-conduit signé du duc et orné de son sceau, le patron s’excusa fort et proposa sa chambre occupée seulement par trois commandants des régiments français. Ces officiers, ivres, dormaient profondément.

Léonard entra dans la pièce servant de cuisine et de salle à manger, pareille à toutes celles des auberges de Romagne, enfumée, sale, avec des taches d’humidité sur les murs nus, des poules et des pintades dormant sur des perchoirs, des pourceaux piaillant dans leurs cages d’osier, des files d’oignons, de saucissons et de jambons pendues aux poutres du plafond. Dans l’énorme âtre flambait un grand feu et sur la broche rôtissait un quartier de porc. Éclairés par le reflet pourpre de la flamme, les hôtes mangeaient, buvaient, criaient, se disputaient, jouaient aux cartes