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Il leva la tête, serra les lèvres encore plus sévèrement, fronça les sourcils, et de nouveau monta, vainqueur du vent et de la montagne.

Le sentier avait disparu. Il marchait maintenant au hasard de la roche nue, où peut-être personne avant lui n’avait posé le pied.

Encore un effort, encore un pas – et il s’arrêta au bord du précipice. On ne pouvait aller plus loin, on ne pouvait que voler. Le rocher était tranché, s’arrêtait devant un horizon sans limites.

Le vent, transformé en ouragan, hurlait et sifflait dans les oreilles, comme si d’invisibles, rapides et méchants oiseaux fuyaient par troupeaux en battant l’air de leurs ailes gigantesques.

Léonard s’inclina, contempla l’abîme, et tout à coup de nouveau, avec une force inconnue, le sentiment de la nécessité naturelle, indispensable, du vol humain s’empara de lui.

— Les ailes existeront ! murmura-t-il. Sinon par moi, par un autre. Mais l’homme volera. Les hommes ailés seront des dieux !

Et il se figura le roi des airs, vainqueur de toutes les limites et de toutes les pesanteurs, fils de l’homme, dans toute sa gloire et toute sa force, grand cygne aux ailes énormes, blanches scintillantes comme de la neige dans l’azur du ciel.

Et dans son cœur flamba une joie proche de la terreur.