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comme en signe que toute ma vie je m’occuperais de ces ailes ».

La prophétie s’accomplit. Les ailes humaines devinrent le dernier but de son existence.

Et maintenant encore, comme quarante ans auparavant sur ce même sommet de la montagne Blanche, il lui semblait infiniment humiliant que les hommes ne fussent pas ailés.

« Celui qui sait tout, peut tout, songeait Léonard ; savoir est le principal, et les ailes existeront. »


X

À l’un des derniers tournants du sentier, il sentit que quelqu’un le saisissait par ses vêtements ; et, se retournant, il aperçut son élève Giovanni Beltraffio. Fermant les yeux, baissant la tête, retenant de la main son béret, Giovanni luttait contre le vent. Depuis longtemps il criait et appelait le maître, mais le vent emportait sa voix. Lorsque Léonard se retourna, ses longs cheveux hérissés, sa longue barbe rejetée sur les épaules, avec une expression d’invincible volonté et d’inflexible pensée dans les yeux, les profondes rides de son front et les sourcils légèrement froncés, son visage parut si étrange et terrible à son élève que celui-ci le reconnut à peine. Les larges plis de son manteau rouge foncé, tiraillés par le vent, ressemblaient aux ailes d’un énorme oiseau.