son ventre annelé, noir, brillant et gluant. La gueule ouverte crachait une haleine empestée, les yeux, des flammes, et les naseaux de la fumée. Mais le plus surprenant était que l’horreur de ce monstre captivait et attirait à l’égal de la beauté.
Léonard passa des jours et des nuits dans cette chambre close, où l’atmosphère, infectée par la décomposition des reptiles morts, était presque irrespirable. Mais, excessivement délicat d’ordinaire, en ce moment il ne s’en apercevait même pas.
Enfin il annonça à son père que la rondelle était prête et qu’il pouvait la prendre. Lorsque ser Piero vint, Léonard le pria d’attendre dans une autre pièce et, retournant dans l’atelier, il posa le tableau sur un chevalet, l’entoura d’étoffe noire, poussa les volets de façon qu’un seul rayon tombât sur la rotella et appela son père. Celui-ci entra, regarda, poussa un cri et recula.
Il lui semblait qu’il voyait devant lui un monstre vivant. Après avoir suivi sur son visage, d’un regard scrutateur, le changement de l’expression de peur en celle d’admiration, l’artiste dit, avec un sourire :
— Le tableau atteint son but, produit l’impression que je désirais. Prenez-le, il est à vous.
En 1481, Léonard reçut des moines de San Donato, à Scopetto, la commande d’un tableau pour le maître autel : L’Adoration des Mages.
Dans l’esquisse qu’il exécuta, il fit preuve d’une connaissance de l’anatomie et de l’expression des sentiments humains dans les mouvements du corps, telles