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l’obscurité, il se serrait contre elle de tout son corps.

Monna Lucia aimait et gâtait son petit-fils. Il se souvenait de sa robe, toujours pareille, brun foncé, de son mouchoir blanc qui encadrait son bon visage ridé, de ses tendres chansons et de ses gâteaux. Mais il ne s’accordait pas avec l’aïeul. D’abord ser Antonio lui donna lui-même les leçons que l’enfant écoutait mal ; puis à sept ans l’envoya à l’école de l’église de Sainte-Pétronille. Mais la grammaire latine ne lui convenait pas. Souvent, sortant de bonne heure de la maison, au lieu de se rendre à l’école, il se glissait dans un ravin sauvage, et couché sur le dos, pendant des heures, suivait le vol des cigognes avec une torturante jalousie. Ou bien, sans les arracher pour ne pas leur faire mal, il dépliait les pétales des fleurs, admirant leurs teintes et leur duveté. Quand ser Antonio partait pour ses affaires à la ville, le petit Nardo, profitant de la bonté de sa grand-mère, se sauvait durant des journées dans les montagnes. Et par des sentiers rocailleux, inconnus, courant le long des précipices, où ne passaient que des chèvres sauvages, il montait à la cime du mont Albano, d’où l’on apercevait à l’infini des prairies, des bois, des champs, le lac marécageux de Fuceccio, Pistoia, Prato, Florence, les Apennins neigeux et, par un temps clair, la ligne bleue brumeuse de la Méditerranée. Il revenait à la maison, égratigné, poussiéreux, hâlé, mais si gai que monna Lucia n’avait pas le cœur de le gronder et de se plaindre à son grand-père.