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montagnes, vêtues d’étoffes grossières, effacent facilement par leur beauté celles qui sont parées ? »

Ceux qui avaient connu sa mère dans sa jeunesse assuraient que Léonard lui ressemblait, particulièrement par les mains fines et longues, les cheveux doux et dorés, et le sourire. Du père, il avait hérité la corpulence, la force, la santé, l’amour de la vie ; de la mère, le charme dont tout son être était empreint.

La maison où habitait Catarina avec son mari était toute proche de la villa de ser Antonio. À midi, lorsque l’aïeul dormait et qu’Accatabriga partait avec ses bœufs travailler aux champs, le gamin se faufilait à travers les vignes, grimpait par-dessus le mur et courait chez sa mère. Elle l’attendait en filant, assise sur le perron. De loin, elle lui tendait les bras. Il s’y précipitait, et elle couvrait de baisers son visage, ses yeux, ses lèvres, ses cheveux.

Leurs entrevues nocturnes leur plaisaient encore davantage. Les jours de fête, le vieil Accatabriga allait au cabaret ou chez des amis jouer aux osselets. La nuit, Léonard se levait doucement, à moitié vêtu, ouvrait avec précaution le volet, passait par la fenêtre et, s’aidant aux branches d’un figuier, descendait dans le jardin, puis courait chez Catarina. Doux lui semblait le froid de l’herbe, les cris des râles, les brûlures des orties, les pierres dures qui meurtrissaient ses pieds nus, et le scintillement des lointaines étoiles, et la crainte que la grand-mère, réveillée subitement, ne le cherchât, et mystère de ces embrassements presque coupables, lorsque glissé dans le lit de Catarina, dans