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dans le double reflet bleu de la lune et rouge des incendies.

Devant le palais archiépiscopal, de la foule, qui ressemblait à un tas de corps amoncelés, s’élevaient des plaintes.

— Qu’est-ce ? demanda l’artiste à un vieil ouvrier à visage effrayé, bon et triste.

— Qui sait ? Ils ne le savent pas eux-mêmes. On dit que c’est un espion des Français, le vicaire Giacomo Crotto. On prétend qu’il a donné au peuple des aliments empoisonnés. Peut-être n’est-ce pas lui. Le premier qui tombe sous leurs mains, ils le battent. C’est terrible, vraiment. Ô ! Seigneur Jésus, aie pitié de nous !

De l’attroupement sortit le verrier Gorgolio qui agitait comme un trophée une tête ensanglantée piquée sur une longue perche.

Le gamin Farfaniccio courait derrière lui, sautait et hurlait en désignant la tête :

— Mort aux traîtres !

Le vieil ouvrier se signa et murmura :

A furore populi libera nos, Domine ! De la fureur du peuple, délivre-nous, Seigneur !

Du côté du palais retentirent les trompes, les roulements de tambour, le crépitement des arquebuses et les cris des soldats allant à l’assaut. Au même instant, des bastions du fort, un coup semblable au tonnerre secoua la ville. C’était la monstrueuse bombarde des Français, « Margot la Folle », qui crachait ses boulets.