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Sur la place du Marché aux Poissons, on pendait un tambour picard, un gamin de seize ans. Il se tenait sur l’échelle appuyée contre le mur. Le gai brodeur Mascarello remplissait l’emploi de bourreau. Il lui avait passé la corde au cou, et lui administra une chiquenaude sur la tête et avec une solennité bouffonne :

— Je te sacre chevalier du collier de chanvre. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit !

Amen ! répondit la foule.

Le tambour comprenait mal de quoi il s’agissait, il clignait des yeux comme les enfants prêts à pleurer, se tortillait et, remuant le cou, tâchait d’arranger la corde. Un étrange sourire ne quittait pas ses lèvres. Subitement, au dernier moment, comme s’il s’éveillait de sa torpeur, il tourna vers la foule son gentil visage étonné et blême, essaya de demander quelque chose. Mais la foule hurla. Le gamin eut un geste résigné, sortit de dessous sa veste une croix d’argent, l’embrassa et se signa rapidement.

Mascarello le poussa en criant gaiement :

— Eh bien ! chevalier du collier de chanvre, montre-nous comment les Français dansent la gaillarde !

Au rire général, le corps de l’adolescent se balança secoué par les derniers frissons.

Quelques pas plus loin, Léonard aperçut une vieille vêtue de haillons qui, se tenant devant une masure détruite par les bombes, tendait les bras et suppliait :

— Oh ! oh ! oh ! Aidez-moi, aidez-moi !

— Qu’as-tu ? demanda le cordonnier Corbolo. Pourquoi pleures-tu ?