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Un rayon de soleil matinal s’était glissé par une lucarne. Le corps de marbre, encore taché de terre, scintillait comme s’il se réchauffait après un long séjour dans le froid et les ténèbres. Les tiges fines de la paille s’allumaient, entourant la déesse d’une auréole dorée.

Et de nouveau Giovanni regarda l’inconnu.

Agenouillé auprès de la statue, il avait retiré de ses poches un goniomètre, un compas, et avec une expression de curiosité tenace, calme et obstinée dans ses yeux bleus froids et fins, ainsi que sur ses lèvres serrées, il commença de mesurer les diverses parties de ce corps superbe, en inclinant la tête de si près, que sa longue barbe blonde caressait le marbre.

« Que fait-il ? Qui est-ce ? » songeait Giovanni suivant, avec une surprise effarée, ces doigts alertes et imprudents qui touchaient le corps de la déesse, glissaient le long des membres, pénétrant tous les mystères de la beauté, tâtant, examinant les moindres sinuosités, invisibles à l’œil.

Près de la porte de la villa, le nombre des paysans diminuait à chaque instant.

— Fainéants ! Vendeurs du Christ ! Restez ! Vous craignez la milice et vous n’avez pas peur de la puissance de l’Antéchrist ! pleurait le curé en tendant les bras. « Ipse vero Antichristus opes malorum effodiet et exponet. » Ainsi parle le grand maître Anselme de Canterbury. « Effodiet », entendez-vous ? « L’Antéchrist déterrera les Anciens dieux et de nouveau les mettra au jour… »