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Sa personne n’exprimait rien de loyal : un corps malingre et faible, des épaules étroites, une poitrine rentrée, un visage vilainement ridé, souffreteux, mais non anobli par la souffrance ; plat, empreint de vertu bourgeoise.

Sur la plus haute marche du trône se tenait un jeune homme de vingt ans, simplement vêtu de noir, sans ornements, sauf quelques perles sur les revers du béret et la chaîne de coquillages d’or du collier de l’ordre de Saint-Michel. Il avait les cheveux blonds et longs, une barbiche rousse, une pâleur mate, et des yeux bleu-noir intelligents et affables.

— Dites-moi, fra Luca, dit l’artiste à son guide, quel est ce jeune seigneur ?

— Le fils du pape, répondit le moine. César Borgia, duc de Valentino.

Léonard avait entendu parler des crimes de César. Bien qu’il n’y eût pas de preuves certaines, personne ne doutait qu’il n’eût tué son frère Giovanni Borgia, ennuyé de son rôle de cadet, désirant jeter la pourpre cardinalice et hériter du titre de « gonfalonier » de l’Église romaine. On insinuait aussi que la véritable cause de ce fratricide résidait dans la rivalité des deux frères, non seulement pour les faveurs paternelles, mais aussi pour l’incestueux amour qu’ils nourrissaient tous deux pour leur sœur, la belle madonna Lucrezia.

— C’est impossible, songeait Léonard en observant le visage calme du duc de Valentino, ses yeux purs et naïfs.

César sentit probablement peser sur lui le regard