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On mesura les pas, on tira au sort à qui commencerait. L’Allemand but coup sur coup, sans reprendre haleine, les quatre chopes convenues, s’éloigna, visa, tira et manqua le but. La flèche écorcha la joue, arracha un coin de l’oreille gauche, mais glissa près de la verrue sans l’atteindre.

Le Français épaula son arbalète, mais à ce moment un mouvement se produisit dans la foule. Les soldats s’écartèrent devant un détachement de fastueux hérauts qui accompagnaient un chevalier. Il passa sans prêter la moindre attention au divertissement des mercenaires.

— Qui est-ce ? demanda Léonard à un arbalétrier.

— Le sire de La Trémoille.

— Il est temps, encore ! songea l’artiste. Je vais courir, le prier…

Mais il restait sans bouger, sentant une telle incapacité d’action, une telle invincible torpeur, une telle absence de volonté qu’il lui semblait que, même se fût-il agi de sauver sa vie, il n’eût pas remué un doigt de la main. La crainte, la honte, le dégoût, s’emparaient de lui à l’idée qu’il devrait, comme Luca Paccioli, supplier les varlets et les palefreniers et courir derrière les seigneurs.

Le Gascon tira. La flèche en sifflant se ficha dans la verrue.

— Bigorre ! Bigorre ! Montjoie Saint-Denis ! criaient les soldats, en agitant leurs bérets. La France a gagné !

D’autres tireurs reprirent la gageure.