Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/435

Cette page n’a pas encore été corrigée

sans ailes. Pas un d’entre eux ne se doute du miracle qui se prépare. Maître, figurez-vous seulement l’écarquillement de leurs yeux, lorsqu’ils verront les « ailés » planer dans les airs. Ce ne seront plus des anges en bois pour amuser la populace ! Ils verront et croiront que ce sont des dieux. Moi, ils me prendront plutôt pour le diable. Mais vous, réellement, vous serez un dieu. Ou peut-être on dira que vous êtes l’Antéchrist ? Et alors, ils seront terrifiés, ils tomberont face contre terre et vous adoreront. Et vous ferez d’eux tout ce que vous voudrez. Je suppose, maître, qu’alors il n’y aura plus ni guerre, ni lois, ni seigneurs, ni esclaves, que tout sera transformé en quelque chose de si nouveau que nous n’osons même y songer. Et les peuples se réconcilieront ; pareils à des chœurs angéliques, ils chanteront l’unique hosanna… Oh ! messer Leonardo ! Seigneur, Seigneur, Seigneur !… Serait-ce vrai ?

Il semblait délirer.

— Pauvre ! pensa Léonard. Quelle foi ! Il en perdra la raison. Et que faire avec lui ? Comment lui apprendre la vérité ?

À ce moment, un fort coup de heurtoir retentit à la porte extérieure de la maison, puis on frappa de même à la porte fermée de l’atelier.

— Quel diable vient nous déranger ! grogna le forgeron furieux. Qui est là ? Le maître n’est pas visible. Il a quitté Milan.

— C’est moi, Astro, moi, Luca Paccioli. Au nom de Dieu, ouvre plus vite !