— Maître, eh ! maître, ne vous fâchez pas, mais si à force de calculer vous arriviez de nouveau à l’ancien résultat, qu’on ne puisse, comme avec l’ancienne, voler avec cette machine, je volerai tout de même… pour narguer votre mécanique… Oui, oui, je ne puis plus attendre, parce que je sais que si cette fois encore…
Il n’acheva pas et se détourna. Léonard regarda attentivement son visage large, entêté, sur lequel se reflétait, immobile, l’idée insensée et dominante.
— Messer, conclut Astro, dites-moi franchement, volerons-nous ou ne volerons-nous pas ?
Il y avait dans ces mots une telle crainte et un tel espoir que Léonard n’osa pas avouer la vérité.
— Certes, répondit-il, on ne peut savoir sans essayer, mais je crois, Astro, que nous volerons…
— Et c’est parfait ! dit en applaudissant avec enthousiasme le forgeron. Je ne veux plus rien entendre, car si vous dites, vous, que nous volerons, nous volerons !
Il voulut se retenir, mais ne le put et éclata d’un joyeux rire d’enfant.
— Qu’as-tu ? s’étonna Léonard.
— Pardonnez-moi, messer. Je vous importune tout le temps. Mais ce sera pour la dernière fois… Après je n’en parlerai plus… Croyez-vous, quand je pense aux Milanais, aux Français, au duc Sforza, au roi, ils m’apparaissent risibles et piteux. Ils grouillent, se battent et s’imaginent qu’eux aussi accomplissent de grandes œuvres – ces vermisseaux rampants, ces scarabées