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Le bourreau poussa Savonarole.

Un vieil ouvrier, au visage humble et dévot, auquel on avait confié la garde du bûcher, dès que Savonarole fut pendu, se signa rapidement et glissa sa torche allumée sous les bois, en prononçant les mêmes paroles que Savonarole, lorsqu’il avait allumé le « bûcher des vanités » :

— Au nom du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint !

La flamme monta. Mais le vent la rabattit de côté. La foule houla. Les gens, s’écrasant, fuyaient terrifiés, criant :

— Le miracle ! le miracle ! Ils ne brûlent pas !

Le vent s’apaisa. La flamme de nouveau monta et enveloppa les corps. La corde qui reliait les mains de Savonarole se brisa. Ses bras, qui pendaient le long de son cadavre, s’agitèrent dans le feu et semblaient pour la dernière fois bénir le peuple.

Lorsque le bûcher fut éteint et qu’il ne resta plus que des os calcinés et des lambeaux de chair, les disciples de Savonarole se frayèrent un passage jusqu’à la potence, pour ramasser les restes des martyrs. Les gardes les écartèrent, et chargeant les cendres sur une charrette se dirigèrent vers Ponte Vecchio, afin de précipiter le triste butin dans la rivière. Mais en route les élèves purent voler quelques pincées de cendres et quelques parcelles du cœur non consumé de Savonarole.

Son récit achevé, fra Paolo montra à ses auditeurs une amulette qui contenait les cendres. Fra Benedetto longuement l’embrassa et l’arrosa de ses larmes.