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Durant ce trajet, fra Silvestro, butant, faillit tomber. Domenico et Savonarole également. On découvrit par la suite que les gamins, anciens soldats de l’armée sacrée, cachés sous le plancher, avaient introduit des pointes de lance dans les interstices pour blesser les condamnés.

Fra Silvestro Maruffi devait monter le premier à la potence. Il conservait son expression indifférente, comme s’il ne s’en rendait pas compte, et grimpa les marches. Mais lorsque le bourreau lui passa la corde au cou, il s’accrocha à l’échelle, leva les yeux au ciel et cria :

— Entre tes mains, Seigneur, je remets mon âme !

Puis, seul, sans le secours de personne, d’un mouvement raisonné, sans peur aucune, il se lança dans le vide.

Fra Domenico attendait son tour impatiemment, et lorsqu’on lui fit signe, il se précipita vers la potence avec le sourire qu’il aurait eu s’il s’était dirigé vers le ciel.

Le cadavre de Silvestro pendait à une extrémité, celui de Domenico à l’autre. La place centrale était destinée à Savonarole.

Il monta les marches, s’arrêta, abaissa les yeux, regarda la foule.

Un grand silence régnait, comme jadis à la cathédrale de Maria del Fiore avant le sermon. Mais, quand il glissa la tête dans le nœud coulant, quelqu’un cria :

— Fais un miracle ! Fais un miracle, prophète !

Personne ne sut si c’était une ironie ou le cri d’un fervent.