Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/423

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Léonard ne me gênera pas.

Son visage jaune, flasque, aux lèvres fines, rusées et cruelles, s’illumina d’un bon sourire.

Lorsque l’artiste entra dans la galerie, Ludovic continua à jeter le pain et reporta sur lui le sourire avec lequel il contemplait ses cygnes.

Léonard voulut s’agenouiller, mais le duc le retint et le baisa au front.

— Bonsoir. Il y a longtemps que nous ne nous sommes vus. Comment te portes-tu ?

— Je dois remercier Votre Altesse…

— Eh ! finis ! N’es-tu pas digne d’autres cadeaux ? Attends, le moment viendra où je saurai te récompenser selon tes services.

Il questionna le maître sur ses travaux, inventions et projets, cherchant exprès ceux qui lui paraissaient les plus irréalisables : la cloche à plongeur, les patins à naviguer, la machine volante. Dès que Léonard abordait la question sérieuse : la fortification du palais, le canal, la fonte du monument Sforza, de suite il détournait la conversation avec un air ennuyé et dégoûté.

Subitement il devint pensif, ce qui lui arrivait souvent depuis quelques mois, se tut, pencha la tête avec une expression si détachée qu’il semblait avoir oublié son interlocuteur. Léonard prit congé.

— Allons, adieu, adieu ! dit distraitement le duc ; mais lorsque l’artiste fut à la porte, il le rappela, s’approcha de lui, lui posa ses deux mains sur les épaules et le fixa d’un long et triste regard.