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— Pourquoi ?

— Eh ! ne fût-ce que parce que je veux être moi-même, entends-tu ? le dernier des derniers, mais ni l’oreille, ni l’œil, ni l’orteil de son pied ! Les élèves de Léonard sont des poussins dans un nid d’aigle ! Que Marco se console avec les lois de la science, les cuillers à dosage et les livres à mémoire ! J’aurais bien voulu voir Léonard lui-même créer la figure du Christ en suivant ses théories. Oh ! certes ! il nous apprend, à nous, ses poussins, à flâner comme des aiglons, par bonté, car il nous plaint au même degré que les petits aveugles de la chienne de garde, une haridelle boiteuse, et le criminel qu’il accompagne jusqu’à la potence pour étudier le jeu de ses muscles, et la cigale d’automne dont les ailes s’engourdissent. Tel le soleil, il déverse sur tout son excès d’amour. Seulement, mon ami, chacun a son goût : à l’un, il est agréable d’être la cigale engourdie ou le vermisseau que le maître, à l’instar de saint Francisque, enlève de terre et pose sur une feuille afin qu’on ne l’écrase pas ! À l’autre… Sais-tu, Giovanni ? je préférerais que, sans façon, il m’écrase !

— Cesare, murmura Giovanni, s’il en est ainsi pourquoi ne le quittes-tu pas ?

— Et toi ? pourquoi ne le quittes-tu pas ? Tu as brûlé tes ailes comme un papillon à la flamme d’une chandelle et tu continues à tourner, à te précipiter sur le feu, dans lequel moi aussi, peut-être, je veux brûler… Après tout, qui sait ? J’ai aussi un espoir…

— Lequel ?