Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/414

Cette page n’a pas encore été corrigée

Après le vent et le dégel, l’atmosphère était calme et froide. Les flaques de boue de la route s’étaient couvertes d’une toile glacée et friable. Les nuages bas semblaient s’accrocher aux cimes dénudées et violetées des mélèzes, abritant les nids déchiquetés des pies. La nuit tombait vite. Tout à l’extrémité du couchant seulement, s’étendait une longue ligne jaunâtre. L’eau du canal, calme, lourde et noire comme de la fonte, paraissait infiniment profonde.

Giovanni, bien qu’il ne voulût pas s’avouer à lui-même les pensées qu’il chassait avec le dernier effort de la raison, songeait aux deux interprétations du Christ par Léonard. Il n’avait qu’à fermer les yeux pour les voir paraître tous deux ensemble devant lui comme vivants : l’un, plein de faiblesse humaine, celui qui priait sur le mont des Oliviers avec une foi enfantine ; l’autre, surhumainement calme, sage, étrange et terrible.

Et Giovanni pensait que peut-être, dans son insoluble contradiction, tous deux étaient la vérité.

Ses idées s’embrouillaient comme dans un rêve. Sa tête brûlait. Il s’assit sur une pierre au bord du canal étroit et sombre, et, anéanti, appuya sa tête dans ses mains.

— Que fais-tu là ? On croirait l’ombre d’un amoureux sur les rives de l’Achéron, dit une voix railleuse.

Il sentit une main se poser sur son épaule, frissonna, se retourna et reconnut Cesare.

Dans l’obscurité hivernale, long, maigre, avec sa