effet, qu’il vaut mieux pour toi me quitter. Tu te souviens, l’Écriture dit : « Celui qui a peur n’est pas parfait d’amour. » Si tu m’aimais vraiment, tu ne me craindrais pas, tu comprendrais que tout cela n’est que songes et folies, que je ne suis pas ce que pensent les gens, que je n’ai pas de sosie, et que je crois plus fermement dans le Christ Sauveur que ceux qui m’appellent le serviteur de l’Antéchrist. Pardonne-moi, Giovanni !… Ne crains rien… Le sosie de Léonard ne reviendra jamais chez toi…
Sa voix trembla, pleine d’infinie pitié. Il se leva. « Est-ce bien cela ? Lui ai-je dit la vérité ? » pensa-t-il, et, au même instant il sentit que, si le mensonge était nécessaire pour le sauver, il était prêt à mentir. Beltraffio tomba à genoux et baisa les mains du maître.
— Non ! non !… Je sais que c’est de la folie… Je vous crois… Vous verrez, je chasserai ces horribles pensées… Seulement, pardonnez-moi, maître, ne m’abandonnez pas !
Léonard le contempla avec compassion et l’embrassa.
— Bien, mais souviens-toi, Giovanni, que tu as promis. Et maintenant, ajouta-t-il de sa voix habituelle, descendons vite. Il fait froid ici. Je ne veux plus que tu couches dans cette chambre jusqu’à ce que tu sois tout à fait remis. J’ai un travail pressé, viens, tu m’aideras.