Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/389

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Cela ne fait rien, observa timidement Léonard, j’en étudierai l’anatomie. Les vertèbres de son cou sont étonnantes.

— Les vertèbres de son cou ! Ah ! maître, maître, sans toutes ces fantaisies, chevaux, cadavres, girafes, poissons et autres vermines, nous pourrions vivre heureux, sans saluer personne. Le morceau de pain quotidien ne vaut-il pas mieux que tout cela ?

— Le pain quotidien ! Mais est-ce que j’exige autre chose ! Cependant je sais, Marco, que tu serais enchanté que toutes ces bêtes que j’acquiers avec tant de peine, contre tant d’argent, et qui me sont absolument indispensables, crèvent. Pourvu que tu aies gain de cause…

Une peine impuissante résonna dans la voix du maître. Marco se taisait, sombre, les yeux baissés.

— Et qu’est-ce ? continua Léonard. Qu’allons-nous devenir ? Il n’y a pas de foin. Voilà à quoi nous en sommes arrivés. Jamais chose pareille ne s’est vue.

— Cela a toujours été et cela sera toujours ainsi, répliqua Marco. Comment voulez-vous qu’il en soit autrement ? Depuis un an nous ne recevons pas un centime du duc. Ambrogio Ferrari nous en promet tous les jours : « Demain et demain »… Il se moque de nous…

— Il se moque de moi ! s’écria Léonard. Attends, je lui montrerai comment on se moque de moi ! Je me plaindrai au duc ! Je le tordrai en corne de bouc, ce misérable Ambrogio. Que le Seigneur lui envoie mauvaise Pâque !