Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/381

Cette page n’a pas encore été corrigée

VIII

Revenant chez lui, Léonard suivait une calme ruelle de Porta Vercellina. Des chèvres broutaient sur les remblais, un gamin armé d’une gaule chassait devant lui une bande d’oies. Le crépuscule était radieux. Au nord seulement, au-dessus des Alpes invisibles, des nuages s’amoncelaient, bordés d’or, et entre eux, dans le ciel pâle, brillait une étoile solitaire.

Se souvenant des deux « duels » dont il avait été témoin, Léonard songeait combien ils étaient différents et en même temps proches comme des jumeaux.

Sur l’escalier de pierre d’une vieille maison parut une fillette de six ans environ, qui mangeait une galette rassie et un oignon cuit.

Léonard s’arrêta et l’appela. Elle le regarda effrayée ; puis, se fiant à son bon sourire, lui sourit aussi, et descendit les marches, ses pieds bruns marqués d’eau de vaisselle et de carapaces d’écrevisses. Léonard retira de sa poche une orange dorée. Souvent, lorsqu’il mangeait à la table du duc, il emportait les sucreries pour les distribuer aux enfants, au hasard de ses promenades.

— Une balle dorée ! dit la petite, une balle dorée !

— Ce n’est pas une balle, mais une orange. Goûte-la, c’est bon.

Elle ne se décidait pas, et admirait.