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— Et la postérité, dit en s’inclinant profondément Balthazare Castiglione, élégant seigneur de la cour d’Urbino, venu à Milan, la postérité sera reconnaissante à Votre Altesse d’avoir conservé un aussi extraordinaire, un aussi unique artiste dans le monde entier. C’est dommage qu’il néglige ainsi son art, pour employer son cerveau à d’aussi étranges pensées, à d’aussi monstrueuses chimères.

— Vous dites vrai, messer Balthazare, approuva le duc. Combien de fois ne lui ai-je pas dit : « Laisse là ta philosophie. » Mais les artistes sont volontaires. On ne peut rien en faire, on ne peut rien exiger d’eux. Ce sont des originaux !

— Vous avez admirablement traduit notre pensée à tous, Monseigneur, acquiesça le commissaire principal des impôts sur le sel, qui depuis longtemps voulait raconter quelque chose sur Léonard. Ce sont des originaux ! Ils ont parfois des inventions qui vous ahurissent. J’arrive dernièrement dans son atelier, j’avais besoin d’un petit dessin allégorique pour un coffret de mariage. Je demande :

«  Le maître est-il à la maison ?

«  —Non, il est très occupé et ne reçoit pas de commandes.

«  —Et à quoi est-il occupé ?

«  —Il mesure la pesanteur de l’air.

« Alors, j’ai cru qu’on se moquait de moi. Puis je rencontre Léonard :

«  —Est-il vrai, messer, que vous mesurez la pesanteur de l’air ?