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VI

La comtesse Cecilia désigna Léonard et murmura quelques paroles à l’oreille du duc. Celui-ci appela auprès de lui l’artiste et le pria de prendre part à la discussion.

— Messer, insista la comtesse, soyez aimable, faites-le pour moi…

— Tu vois, les dames te prient, fit le duc. Ne joue pas à la modestie. Qu’est-ce que cela te coûte ? Raconte-nous quelque chose de plus intéressant d’après tes observations sur la nature. Je sais que ton cerveau est toujours plein des plus superbes chimères…

— Monseigneur, épargnez-moi. Je serais heureux, madonna Cecilia, mais vraiment je ne puis, je ne sais…

Léonard ne se dérobait pas. En effet il n’aimait pas et ne savait pas parler devant un auditoire. Entre sa parole et sa pensée s’élevait toujours un obstacle. Il lui semblait que chaque mot exagérait ou n’exprimait pas, trahissait ou mentait. Inscrivant ses observations dans son journal, il corrigeait, raturait continuellement. Même dans la conversation, il balbutiait, s’embarrassait, ne trouvant pas ses mots. Il appelait les orateurs et les littérateurs des « bavards » et des « barbouilleurs », et cependant, secrètement, il les