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brûler, que dans le feu périra seulement le modus et non l’éternelle substance. Une insoluble discussion scolastique s’engagea.

La foule murmurait. Le ciel se couvrait de nuages. Tout à coup, derrière le Palazzo Vecchio, de la rue des Lions, via dei Leoni, où l’on gardait dans une fosse grillée des lions vivants, animaux héraldiques de Florence, s’éleva un long rugissement affamé. Dans la bousculade des préparatifs, on avait oublié l’heure du repas des fauves.

Il semblait que le Marzocco de bronze, indigné de l’infamie de son peuple, rugissait de colère.

À ce cri de fauve, la foule répondit par un hurlement beaucoup plus terrible d’humains avides :

— Plus vite ! dans le feu ! Fra Girolamo ! Le miracle ! Le miracle !

Savonarole, qui priait devant le saint ciboire, sortit de sa torpeur, s’approcha du bord de la loggia et, de son geste autoritaire, ordonna au peuple de se taire.

Mais la populace n’obéissait plus. Quelqu’un cria :

— Il a peur !

Et toute la foule répéta ce cri.

— Frappez, frappez les cagots !

Et Giovanni vit sur tous les visages une expression de férocité.

Il ferma les yeux pour ne pas voir, convaincu qu’à l’instant Savonarole allait être saisi et lapidé.

Mais à ce moment, un éclair sillonna le ciel, le tonnerre gronda et une pluie diluvienne fondit sur Florence. Elle ne dura pas longtemps. Mais il ne fallut