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— Comment, messer Leonardo ? Est-il vrai que vous ne voulez pas nous accompagner ? dit Paolo d’une voix criarde, avec des grimaces bouffonnes. Ce n’est pas possible ! Un amateur de sciences naturelles tel que vous, qui n’assisterait pas à cette expérience de physique !

— Les autorisera-t-on vraiment à entrer dans le brasier ? murmura Léonard.

— Comment vous dire ? Si l’affaire arrive à ce point, certainement fra Domenico ne reculera pas devant le feu, et beaucoup d’autres avec lui. Deux mille cinq cents citoyens, riches et pauvres, instruits et ignorants, femmes et enfants, ont déclaré hier dans le couvent de San Marco qu’ils désiraient prendre part à l’épreuve. C’est une telle ineptie que la tête en tourne aux gens raisonnables. Nos philosophes, nos libres-penseurs eux-mêmes tremblent : voyez-vous que l’un des moines ne brûle pas ! Et voyez-vous les visages des dévots, si tous les deux brûlaient !

— Il est impossible que Savonarole ajoute foi à cela ! dit Léonard pensif et comme à lui-même.

— Lui, peut-être non, répliqua Paolo, ou tout au moins pas fermement. Il serait heureux de reculer, mais il est trop tard. Il a déchaîné l’appétit de la populace contre lui-même. Maintenant, ils en bavent tous : « Donne-nous le miracle ! » Car ici, messer, il y a aussi de la mathématique, non moins curieuse que la vôtre : s’il y a un Dieu, pourquoi ne ferait-il pas un miracle, de façon que deux et deux fassent non pas quatre, mais cinq, d’après la prière des fidèles