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découvert, la Chine, l’Ophir de Salomon, le Paradis terrestre. Il mourra sans le savoir. »

Il lut la première lettre du 29 avril 1493, dans laquelle Colomb annonçait à l’Europe sa découverte.

Léonard passa toute la nuit à calculer et à étudier des cartes. Par instants, il sortait sur la loggia, contemplait les étoiles, et en songeant au prophète de la nouvelle terre et du nouveau ciel, cet étrange visionnaire à cœur et cerveau d’enfant, involontairement il comparaît sa destinée à la sienne :

— Quelles grandes choses il a faites et combien il savait peu ! Tandis que moi, malgré tout mon savoir, je suis immobile comme ce Berardi brisé par la paralysie. Toute ma vie j’aspire à des mondes inconnus et je n’ai pas fait un pas vers eux. La foi ! – disent les uns. Mais la foi parfaite et la science parfaite, n’est-ce pas la même chose ? Mes yeux ne voient-ils pas plus loin que les yeux de Colomb, prophète aveugle ? Ou bien la destinée humaine veut-elle qu’on soit clairvoyant pour savoir et aveugle pour agir ?


II

Léonard ne s’aperçut pas que les étoiles s’éteignaient. Un jour rosé éclaira les tuiles et les charpentes des maisons. De la rue monta le bruit des pas et des voix.