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en arrivant à cet endroit de ne pas trouver de sirènes. Pourquoi souriez-vous ?

— Rien, Guido, rien. Continuez, je vous écoute.

— Oui, je sais… Vous ne croyez pas, messer Leonardo, à l’existence des sirènes. Et que diriez-vous des sciapodes qui se cachent du soleil à l’ombre de leurs pieds, comme sous une ombrelle ? ou encore des pygmées qui ont de si grandes oreilles que l’une leur sert de lit et l’autre de couverture ? Ou encore si je vous parlais de l’arbre qui, au lieu de fruits, produit des œufs, desquels sortent des oisillons couverts de duvet jaune comme les canards et dont la chair a un goût de poisson, si bien qu’on en peut manger même les jours de maigre ? Ou bien de cette île sur laquelle ont débarqué des mariniers qui, après avoir allumé du feu, cuit leur souper, se sont aperçus qu’ils ne se trouvaient pas sur une île, mais sur un poisson ? Cela m’a été conté par un vieux loup de mer à Lisbonne, un homme sobre, qui m’a juré, par la chair et le sang du Christ, qu’il me disait la vérité.

Cette conversation se tenait cinq ans après la découverte de l’Amérique, la semaine des Rameaux, le 6 avril 1498, à Florence, non loin du Vieux Marché, dans une chambre au-dessus des caves de la maison Pompeo Berardi, qui, ayant des dépôts de marchandises à Séville, y dirigeait des chantiers de construction de navires destinés aux terres découvertes par Colomb. Messer Guido Berardi, neveu de Pompeo, rêvait depuis son enfance de voyages en mer, et il avait même l’intention de prendre part à l’expédition de Vasco de