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Il s’appuya sur l’épaule de Lucrezia en pleurant et en même temps cherchant à l’enlacer, à l’attirer à soi. Elle résistait. Elle avait honte. Il l’embrassa furtivement sur la nuque. Cecilia s’en aperçut, se leva, et désignant le duc à Lucrezia – telle une sœur confiant à sa sœur son frère malade –, elle sortit, non dans la chambre, mais du côté opposé, et ferma la porte. Le « Crépuscule » ne jalousait pas l’« Aurore », car elle savait par expérience qu’elle tenait le bon rôle, et qu’après les cheveux noirs, le duc trouverait encore plus enivrante sa toison rousse.

Ludovic leva la tête, enlaça Lucrezia d’un mouvement brusque, presque grossier, et l’assit sur ses genoux. Les larmes versées pour Béatrice n’étaient pas encore séchées que déjà sur ses lèvres se jouait un sourire polisson.

— Tu es comme une nonne – toute noire ! dit-il en riant – et il couvrit de baisers le cou de Lucrezia. Ta robe est simple pourtant, et combien elle te sied ! Le noir rend ta peau plus blanche !

Il défit les boutons d’agate du corsage et, tout à coup, la chair brilla plus aveuglante de blancheur entre les plis de l’étoffe de deuil. Lucrezia cacha son visage dans ses mains. Au-dessus de l’âtre flambant joyeusement, les Amours nus continuaient leur ronde en brandissant les instruments du saint supplice : les clous, le marteau, les tenailles, la lance ; et il semblait, dans le reflet rose de la flamme, qu’ils clignaient malicieusement leurs yeux, qu’ils chuchotaient en se glissant sous la vigne de Bacchus pour