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fond, les prophètes et les patriarches binaient les ceps ou coupaient le raisin. Et, portant une cuve de vin, passa un chariot attelé d’animaux évangéliques : le lion, le taureau, l’aigle, que conduisait l’ange de saint Matthieu. Giovanni avait vu des vitraux avec de semblables allégories dans l’atelier de son oncle. Mais jamais il n’avait vu de telles couleurs – sombres et lumineuses comme des pierres précieuses. Celle qu’il admirait le plus était le sang vif du Sauveur. Du fond de la cathédrale parvenaient, éteints et doux, les sons de sa chanson favorite :


O fior di castitate,
Odorifero giglio,
Con gran suavitate
Sei di color vermiglio.
Ô fleur de pureté,
Lis parfumé,
Avec grande suavité
Tu es de couleur vermeille.


Mais la chanson cessa, le vitrail s’assombrit ; la voix d’Antonio da Vinci murmura à son oreille : « Fuis, Giovanni, fuis, elle est ici ! » Il voulut demander qui ? mais comprit que la Diablesse blanche se tenait derrière lui. Un froid sépulcral souffla et, tout à coup, une main lourde, une main qui n’avait rien d’humain, le saisit à la gorge, cherchant à l’étrangler. Il lui sembla qu’il mourait. Il cria, s’éveilla et vit messer Giorgio qui se tenait devant son lit et rejetait les couvertures :