Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/339

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ludovic. La comtesse Cecilia désira en être la marraine et, avec une tendresse exagérée – bien qu’elle eût elle-même des enfants du duc –, elle se prit à s’occuper de l’enfant, de son petit-fils, comme elle l’appelait. Ainsi s’accomplit le rêve du duc, ses maîtresses s’étaient réconciliées. Il commanda à son poète un sonnet dans lequel Cecilia et Lucrezia étaient comparées au crépuscule et à l’aurore.

Lorsqu’il entra dans le calme studio du palais Crivelli, il aperçut les deux femmes assises côte à côte près de la cheminée. Comme toutes les dames de la cour, elles portaient le grand deuil.

— Comment se sent Votre Altesse ? lui demanda Cecilia, « le crépuscule » opposé à « l’aurore », mais tout aussi belle, avec sa peau mate, ses cheveux roux ardent, ses yeux tendres, verts, transparents comme les eaux calmes des lacs de montagne.

Depuis quelque temps le duc avait pris l’habitude de se plaindre de sa santé. Ce soir-là, il ne se sentait pas plus mal que de coutume. Mais il prit un air langoureux, soupira profondément et dit :

— Jugez vous-même, madonna, quel peut être l’état de ma santé ! Je ne songe qu’à une chose : rejoindre le plus vite possible ma colombe…

— Ah ! non, non ! monseigneur, ne parlez pas ainsi, s’écria Cecilia, c’est un grand péché ! Si madonna Béatrice vous entendait !… Toutes nos peines viennent de Dieu et nous devons les accepter avec reconnaissance…

— Certainement, approuva Ludovic. Je ne murmure