Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/33

Cette page n’a pas encore été corrigée

Éloigne de moi les tentations, car je ne veux pas pécher. Mais si, sans te déplaire et glorifiant ton nom, il est possible d’apprendre, dans le noble art de la peinture, tout ce que fra Benedetto ignore et que je désire tant savoir : l’anatomie, la perspective, les merveilleuses lois des ombres et des lumières, alors, ô Seigneur, donne-moi la volonté inébranlable, éclaire mon âme afin que je ne doute plus ; fais en sorte que messer Leonardo me prenne pour élève et que fra Benedetto – si bon – me pardonne et comprenne que je ne suis pas fautif devant toi.

Sa prière achevée, Giovanni ressentit un soulagement et se calma. Ses pensées s’embrouillèrent : il se rappelait le bruit de la pointe émeri rougie à blanc, coupant le verre ; il voyait les bandes de plomb se découper en fins copeaux pour encadrer les vitraux. Une voix, ressemblant à celle de son oncle, disait : « Plus d’ébréchures, plus d’ébréchures sur les bords, le vitrail tiendra mieux », et tout disparut. Il se tourna sur le côté et s’endormit. Giovanni eut un songe qu’il se rappela souvent par la suite : il lui semblait qu’il était dans l’obscurité, au milieu d’une cathédrale, devant une grande fenêtre à verres multicolores. Le vitrail représentait la récolte de la vigne mystérieuse dont il est dit dans l’Évangile : « Je suis la vigne de la vérité et mon Père est mon vigneron. » Le corps du Crucifié reposait nu sous la meule et le sang coulait de ses plaies. Les papes, les cardinaux, les empereurs, le recueillaient et roulaient des fûts. Les apôtres apportaient des grappes que saint Pierre piétinait. Dans le