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pour l’eau, la salamandre pour le feu et le caméléon pour l’air. Mais s’imaginant que le mot caméléon était un superlatif de camello, qui veut dire en italien « chameau », le moine, dans la simplicité de son cœur, avait représenté l’air sous l’aspect d’un chameau ouvrant la gueule pour mieux respirer. Et lorsque les jeunes artistes se moquèrent de lui en lui signalant son erreur, il supporta leurs plaisanteries avec une humilité chrétienne, tout en gardant sa conviction qu’il n’y avait pas de différence entre un chameau et un caméléon.

Toutes les autres connaissances du moine en histoire naturelle étaient au même niveau.

Depuis longtemps, des inquiétudes s’étaient glissées dans l’esprit de Giovanni : « Le démon de la science humaine », disait le moine. Mais quand, avant son départ pour Florence, l’élève de fra Benedetto eut l’occasion de voir des dessins de Léonard de Vinci, tous ces doutes envahirent son âme avec une telle force qu’il ne put y résister. Cette nuit-ci, couché auprès de messer Giorgio qui ronflait paisiblement, pour la millième fois Giovanni remuait ces pensées, mais plus il les approfondissait et plus il les embrouillait. Alors il résolut de recourir au pouvoir céleste et, fixant un regard plein d’espoir dans l’impénétrable obscurité, il pria :

— Seigneur, aide-moi et ne m’abandonne pas ! Si messer Leonardo est réellement un athée et que sa science contienne le péché et la tentation, fais en sorte que je ne songe plus à lui et que j’oublie ses dessins.