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— Écoutez, dit la duchesse au seigneur Gaspare Visconti assis auprès d’elle. Pourquoi n’avons-nous pas vu Junon, l’épouse jalouse de Jupiter, qui, « arranchant de ses cheveux son diadème, disperse les perles sous forme de pluie et de grêle » ?

En entendant ces mots, le duc se retourna vivement et regarda Béatrice. Elle eut un rire tellement faux que le duc sentit son cœur se glacer. Mais tout de suite elle se domina, et parla d’autre chose, en serrant plus fort sur sa poitrine, sous son corsage, la liasse de lettres.

La vengeance, goûtée à l’avance, l’enivrait, la rendait forte et calme, presque gaie.

Les invités passèrent dans une autre salle où les attendait un nouveau spectacle : attelés de nègres, de léopards, de griffons, de centaures et de dragons, défilaient les chars triomphaux de Numa Pompilius, César, Auguste, Trajan, avec des inscriptions allégoriques qui enseignaient que tous ces héros étaient les précurseurs du duc. Pour apothéose, parut un char traîné par des licornes, portant un énorme globe, sur lequel était couché un guerrier revêtu d’une armure rouillée. Un enfant nu, doré, qui tenait une branche de mûrier, sortait d’une fente de la cuirasse. Cela symbolisait la mort du vieux siècle de fer et la naissance du siècle d’or. À l’étonnement général, l’enfant doré était vivant. Le gamin, par suite de l’épaisse couche de dorure qui couvrait son corps, se sentait malade. Dans ses yeux effrayés brillaient encore des larmes.