Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/314

Cette page n’a pas encore été corrigée


il se remémora les vers d’Alighieri concernant son aïeul.

La duchesse se ressaisit. De dégoût elle lâcha la gorge du poète, le repoussa, et, s’approchant de la table, prit la petite lampe tachée, bosselée, et se dirigea vers la porte de la chambre voisine. Elle l’avait déjà remarquée et avait deviné que ce devait être le studiolo, la cellule de travail du poète.

Bernardo se leva, se plaça devant la porte, avec l’intention de lui barrer le chemin. Mais la duchesse lui adressa un tel regard qu’il se rapetissa, se courba et recula.

Elle entra dans le temple de la Muse misérable. Cela sentait les livres moisis. Sur les murs, de grandes taches d’humidité s’étalaient. La vitre cassée de la croisée était bouchée avec des chiffons. Sur le pupitre couvert d’éclaboussures d’encre, à côté des plumes mordillées et déplumées, traînaient des papiers, brouillons de vagues poèmes.

Sans accorder la moindre attention à Bernardo, après avoir posé la lampe sur une planche, la duchesse fouilla les papiers. Il y avait là quantité de sonnets adressés aux trésoriers de la cour, aux échansons, aux officiers de bouche, pour solliciter, en des rimes comiques, de l’argent, du bois, du vin, des vêtements et de la nourriture. Dans un sonnet, le poète demandait à messer Pallavicini une oie rôtie farcie de coings. Dans un autre, intitulé « Du More à Cecilia », il comparait le duc à Jupiter et la duchesse à Junon, et racontait comment Ludovic le More, se rendant à un rendez-vous, surpris en route par la bourrasque,