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duc, si tu tiens à ta vie, entends-tu ? donne ! Prends garde, Bernardo ! Mes gens attendent en bas. Je ne suis pas venue pour plaisanter avec toi !

Il tomba à genoux devant elle :

— Comme il vous plaira, signora ! Je n’ai pas de lettres…

— Non, répéta-t-elle en s’inclinant vers lui. Tu dis que tu n’en as pas ?

— Non.

La rage s’empara de Béatrice.

— Attends donc, maudit procureur, je te forcerai à me dire la vérité. Je t’étranglerai de mes mains, misérable !

Et, en effet, ses tendres doigts enserrèrent son cou avec une force telle qu’il étouffa et que les veines de son cou se gonflèrent à éclater. Sans se défendre, les bras ballants, clignant impuissamment des paupières, il ressembla encore davantage à un piteux oiseau malade.

« Elle me tuera, aussi vrai qu’il y a un Dieu dans les cieux, elle me tuera, songeait Bernardo. Eh bien ! tant pis !… Mais je ne trahirai pas le duc ! »

Bellincioni avait été toute sa vie un bouffon de cour, un bohème invétéré, un poète à tout faire, mais jamais il n’avait été un traître. Dans ses veines coulait un sang noble, plus pur que celui des mercenaires romagnols, les parvenus Sforza, et il était prêt maintenant à le prouver.


Bellincion Berti vid’io andar cinto
Di cuojo e d’osso