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lorsqu’il lui confiait les secrets du métier qui semblaient au moine le comble de l’art et de la ruse : tel, par exemple, le principe de prendre, pour les visages jeunes, des œufs de poule citadine, à cause du jaune plus clair, tandis que le jaune plus foncé des œufs de poule villageoise convenait mieux aux chairs vieillies.

En dépit de ces ruses, fra Benedetto restait un artiste naïf comme un enfant ; il se préparait à l’ouvrage par des jeûnes et des veilles et, avant de commencer, priait Dieu de lui donner la force et la raison. Chaque fois qu’il peignait le Christ crucifié, son visage s’inondait de pleurs.

Giovanni aimait son maître et l’avait longtemps considéré comme l’un des plus grands artistes. Mais dans les derniers temps, un trouble s’emparait de l’élève quand, expliquant son unique règle d’anatomie – la grandeur du corps de l’homme est de huit fois plus un tiers celle de son visage –, fra Benedetto ajoutait, avec le même mépris que pour le sang de dragon : « En ce qui concerne celui de la femme, laissons-le de côté, car il ne contient en soi aucune proportion. » Et il était aussi convaincu de cela que de cette autre tradition qui voulait que, chez les poissons et tous les animaux non pensants, le dos soit sombre et le ventre clair ; ou que l’homme ait une côte de moins, puisque Dieu avait enlevé une côte à Adam pour créer Ève.

Forcé de représenter les quatre éléments en allégorie, en personnifiant chaque élément par un animal, fra Benedetto choisit la taupe pour la terre, le poisson